Pichet, Bordeaux, vers 1700.

 

Etain. H 20,5 cm, L 12 cm, diamètre : 9,2 cm.
Provenance : Collection Charles Boucaud (Paris).
Acheté à Bernard Venot, antiquaire, en 1994.
Don des Amis du musée d'Aquitaine en 1994.

 

Inv. 94.14.1

 

Ce pot couvert, à anse et couvercle à charnière, a une capacité réglée car il sert de mesure publique à vin. Avant la création du système métrique, les mesures ne sont pas unifiées et chaque province produit des formes qui lui sont propres ; il y a même des variantes d'une ville à l'autre. Ces œuvres ne sont pas des imitations de modèles d'orfèvrerie mais des créations originales des maîtres potiers.

 

© Mairie de Bordeaux - Lysiane Gauthier
© Mairie de Bordeaux - Lysiane Gauthier

Ce pichet est une bonne illustration de la typologie du pichet bordelais à épaulement, définie par Charles Boucaud (1958, p. 177) :

 

• forme à épaulement,
• pied en quart de rond,
• une panse en forme de cône renversé,
• un gobelet important, en quart de rond,
• le couvercle, en forme de figue, est bombé, séparé longitudinalement par un filet en relief,
• le poucier est décoré de deux glands de chêne,
• décor de filets gravés au tour,
• une moulure souligne l'épaulement de la panse,
• l'anse est plate, à section rectangulaire.

 

Ce récipient est en étain, allié à d'autres métaux dont une petite quantité de plomb qui permet d'obtenir une belle coulée ; sa fonte nécessite plusieurs moules, chaque élément (panse, col, couvercle, anse, charnière...) étant fondu séparément.
Il reçoit des poinçons ; leur uniformisation ne se fait qu'au XVIIe siècle quand les édits royaux de 1643 et 1691 instituent, pour l'ensemble des "cinq fermes du royaume", l'obligation d'apposer deux poinçons : une marque de contrôle de la qualité de l'alliage qui doit être de bon aloi et la marque du potier d'étain.
L'Édit de Mai 1691 crée des Offices "d'Essayeurs-Contrôleurs-Marqueurs des ouvrages d'Etain" qui se chargent de contrôler la qualité de l'alliage et apposent une marque : C couronné pour l'étain commun, garantissant une proportion de 80 à 90 % d'étain ; F couronné pour l'étain fin, qui indique une proportion de 90 % d'étain. En province, après le décret de 1691, les poinçons doivent porter le nom de la ville en toutes lettres et le millésime. Toutes les villes ne se conforment cependant pas à cet édit comme nous pouvons le constater sur ce pichet.

 

© Mairie de Bordeaux - Lysiane Gauthier
© Mairie de Bordeaux - Lysiane Gauthier

Ici, le poinçon de contrôle est insculpé sur la partie haute de l'anse, près de la charnière, dans un cartouche quadrilobé :
- Le C couronné de l'étain commun est cantonné de fleurs de lys, emblème utilisé autour de 1700 à Bordeaux.
- Sous le C couronné, le B de la ville de Bordeaux.

 

 

©Mairie de Bordeaux - Lysiane Gauthier
©Mairie de Bordeaux - Lysiane Gauthier

Chaque maître appose sa marque qui permet d’identifier sa production. Le poinçon de maître-potier est insculpé sur la paroi interne de l’anse dans un cartouche à arc trilobé :

 

- chasse à trois ouvertures surmontée de deux croix,

 

- au-dessus, dans les lobes latéraux, les initiales du maître : P et C.

 

Ce poinçon n’a pas encore été attribué.

© Mairie de Bordeaux - Lysiane Gauthier
© Mairie de Bordeaux - Lysiane Gauthier

Sur la face externe de l'anse, les initiales gravées du propriétaire : B.M.V.

 

Sous le pichet, le monogramme peint CHB indique que ce pichet a appartenu à Charles Boucaud, antiquaire, collectionneur et auteur en 1958 de l'ouvrage de référence, Les pichets d'étain, mesures à vin de l'ancienne France.

 

© Mairie de Bordeaux - Lysiane Gauthier
© Mairie de Bordeaux - Lysiane Gauthier

De nombreux pichets ont disparu. En effet, lorsqu'ils étaient usagés, leur métal d'une valeur certaine servait à la fonte d'un nouveau pichet.

 

A partir de 1792, la mise en place des mesures décimales mettra progressivement fin à la grande variété des types régionaux. L'uniformité cylindrique remplacera les multiples combinaisons des  types (tronconiques, balustres ou à épaulement), des pouciers (à glands de chêne, à  bourgeons, à palmette, droits ou en bâtonnet...) et des différentes formes de pied et de gobelet.

 

Nous remercions Bernard Venot de son aide éclairée lors de la conception de cette notice.

 

C. B.

 

 Bibliographie

Boscher Jean-Yves , "Un pichet d'étain bordelais récemment entré dans les collections du Musée d'Aquitaine", in Revue Archéologique de Bordeaux, tome LXXXIII, 1992.
Boucaud Charles, Les pichets d'étain, mesures à vin de l'ancienne France, Paris, 1958.
Boucaud Philippe, Fregnac Claude, Les étains, Fribourg, Office du Livre, 1978.
Commenchal Jean-Claude, "Potiers d'étain et poinçons de maîtres", in La Revue des Experts, n° 53, 12/2001.
Douroff Boris Andreievitch, Etains français des XVIIe et XVIIIe siècles, Massin, Paris.
du Pasquier Jacqueline, de Gabory Catherine, Etains anciens, catalogue des collections du musée des Arts Décoratifs, Bordeaux, 1990.
Fochier-Henrion Annette, Etains populaires de France, Paris, Massin, 1968.
Nadolski Dieter, Piekara Ulrich, Bidault Paul (Abbé), Etains anciens, 1986.
Nadolski Dieter, Les Etains corporatifs, collection Morance, 1989.
Tardy, Les étains français, Paris, 1959.
Venot Bernard, La poterie d'étain bordelaise, Mémoire CNES, 1981.
Venot Bernard, "Recherches sur les Coustans, potiers d'étain à Bordeaux", in Bulletin de la Société archéologique de Bordeaux, tome LXXIII, 1982. tome LXXXIII, 1992