Pascal DAUDON (Mont-de-Marsan, 1961- ), Allégorie de l'Aquitaine, 2008.
(
http://mybook.pro/pascal_daudon/)

 

Bois, papier, crayon, encre. Techniques mixtes, collages.
H. 147 cm, L. 230 cm (panneau cintré). H. 147 cm, L. 230 cm (panneaux).
Provenance : commande du musée d'Aquitaine à l'artiste.
Achat du panneau inférieur, les deux autres panneaux étant financés par un mécénat d'entreprise ( Sociétés CMB et Pictet & Cie).
Don des Amis du musée d'Aquitaine en 2008.

 

C.E 20

 

© Mairie de Bordeaux Lysiane Gauthier
© Mairie de Bordeaux Lysiane Gauthier

Cette commande du musée d'Aquitaine a été accueillie par Pascal Daudon comme un défi à relever, une occasion de se dépasser en se confrontant à l'inconnu. Pour la première fois, il aborde un très grand format, un triptyque vertical destiné à être présenté dans le hall du musée, avec plusieurs personnages grandeur nature. Pour célébrer l'Aquitaine, il doit inventer un vocabulaire allégorique à la fois bien lisible mais loin de l'imagerie traditionnelle des différentes régions. L'artiste, qui crée loin du marché de l'art et des galeries, aime travailler avec des institutions. Il est stimulé par les contraintes d'une mission, s'imprègne de l'histoire d'un lieu, se laisse pénétrer par son "esprit" et s'enrichit de nouvelles rencontres.

 

© Mairie de Bordeaux - Lysiane gauthier
© Mairie de Bordeaux - Lysiane gauthier

La vie de ce peintre rebelle, épris de liberté, est toute entière consacrée à son œuvre. Il crée à l'endroit même où il  vit, nulle cloison n'isole son atelier; au sol ou posées le long des murs, ses pièces en devenir sont omniprésentes. Mais si cette présence enrichit sa réflexion tout au long de la journée,  c'est seulement le soir venu qu'il se sent prêt à créer. Alors selon un rituel immuable, il travaille à genoux dans la nuit habitée par la musique. Cette planche de bois posée à terre est la matérialisation de sa vision de l'art, il y dépose  les pensées, les émotions, les sensations qu'il va chercher au plus profond de lui-même pour les offrir à notre regard. Pour lui, l'art est un désir de partager, un don généreux.

© Mairie de Bordeaux - Lysiane Gauthier
© Mairie de Bordeaux - Lysiane Gauthier

Après une lente maturation, son projet a pris forme et il commence à avoir des images, comme des flashs; il perçoit intuitivement qu'il est prêt et se lance dans la réalisation d'un tableau dont il n'a pas la vision consciente mais où chaque élément, chaque couleur se posera et appellera le suivant dans une sorte d'évidence.

 

© Mairie de Bordeaux - Lysiane Gauthier
© Mairie de Bordeaux - Lysiane Gauthier

Pour conjurer l'angoisse de la feuille blanche, Pascal Daudon recouvre le bois de fragments de papiers peints fleuris ou à motifs de toutes sortes, qu'il puise dans ses collections. Dans sa conception organique de l'œuvre, le papier est comme une peau mais une peau tatouée qui a vécu, qui a déjà une histoire qu'il ne connait pas. Ainsi, s'il lui permet de structurer la composition, il crée aussi des contraintes, un réel sur lequel il doit s'appuyer.

 

Ici, étroitement imbriqués dans les motifs, apparaissent des tracés de cours d'eau, des reliefs, des noms de villes ; ces morceaux de cartes révèlent la logique interne du tableau et sont un premier jalon dans la mise en place des éléments symbolisant chaque département précisé, dans un second temps, par la première lettre de leur nom associée à leur numéro. Les  silhouettes féminines, dont les contours ont été tracés en suivant l'ombre portée du modèle, semblent flotter dans l'espace.

 

© Catherine Bonte

Trois panneaux, trois couleurs primaires dominantes et pourtant une grande unité grâce aux multiples résonances chromatiques entre les compositions.

Le fond jaune du panneau supérieur éclaire l'ensemble du triptyque.Tout exprime la  douceur et la générosité : la forme arrondie où s'inscrit le cercle bleu cobalt de l'eau, les larges pleins et déliés  du G de la Gironde, l'ombre allongée, protectrice et maternelle, qui semble prendre sous sa protection les silhouettes tournoyantes .

© Catherine Bonte
© Catherine Bonte

Puis, c'est sur un fond rouge que se détachent les Pyrénées Atlantiques représentées par un triangle lumineux en équilibre dont une pointe repose sur un solide rectangle vert, évocation de la pinède mais aussi rappel des origines landaises de l'artiste.

 

© Catherine Bonte
© Catherine Bonte

Le dynamisme des formes géométriques et des couleurs se poursuit dans le dernier panneau à dominante bleue. Sur une diagonale, l'arrondi de l'initiale de la Dordogne est posé sur un rectangle rouge répondant à la forme ovoïde qui se détache dans l'angle opposé. Cet ovale représente le Lot-et-Garonne par une double allusion au ballon de rugby et à la prune avec sa délicate teinte violette.

 

Au-delà des  apparences, ces ombres en lévitation, comme  emportées dans une danse, racontent une histoire qui nous échappe et les liens mystérieux qui les unissent appartiennent à l'intimité du peintre.
C'est aussi une réflexion sur l'absence et la présence. Absence de la personne qui n'est évoquée que par son ombre mais en même temps présence, existence à travers cette trace d'une muse, partie intégrante de la création

© Catherine Bonte
© Catherine Bonte

Pascal Daudon n'aime pas l'épaisseur de la peinture mais travaille sur les valeurs, les nuances et c'est avec l'encre qu'il fait vibrer les couleurs dans une recherche sophistiquée de jeux de transparence. Et pour ces ombres, en suspension dans un chatoiement de couleurs joyeuses, de lettres, de chiffres et de formes dynamiques, il utilise le brou de noix. Il a délibérément choisi un suc végétal pour donner vie à  ces "sculptures plates".

 

© Catherine Bonte
© Catherine Bonte

Dans l'atelier, d'autres ombres couchées sur des papiers imprimés prennent place dans une nouvelle série, "Mythos", et Daphné se métamorphose en laurier à côté des "Fragments de la Maison des Songes". Cette autre grande série, où les papiers peints sont remplacés par le jeux de papiers unis de textures différentes, témoigne du désir permanent de l'artiste  de se renouveler, de se lancer dans l'inconnu pour puiser en lui des ressources insoupçonnées.