Atelier de G. P. Dagrant (ou Dagrand), Lot de 31 dessins préparatoires pour des vitraux, Bordeaux, fin XIXe-début XXe siècle.
Papier, carton, encre, crayon, gouache, aquarelle. Provenance : acheté en 2011 à la galerie l’Horizon Chimérique, Bordeaux. Don des Amis du musée d’Aquitaine en 2011. Inv. 2012.1.4 à 2012.1.34
Gustave Pierre Dagrand naquît le 15 septembre 1839 à Bordeaux. Après ses études à l’Ecole des Beaux Arts de Bayonne, ville dont sa mère était originaire, il revint à Bordeaux et travailla comme « ouvrier peintre-verrier », domicilié au 24 de la rue Saint-Nicolas. Il fut l’élève de Joseph Villiet (1823-1877), qui s’était formé chez Thibault à Clermont-Ferrand, et dont l’atelier était situé tout près, dans la rue Saint-Jacques. Il se maria en 1863 avec Jeanne Chartier et le couple partit vivre à Biarritz, route de Bayonne, jusqu’en 1872. A leur retour à Bordeaux, Dagrand s’installa dans un immeuble de deux étages abritant à la fois son appartement et l’atelier, au n°7 du cours Saint-Jean (cours de la Marne) avant de s’agrandir en 1884 avec l’achat d’un terrain et d’un immeuble voisins, rue Tiffonet, aux nos 12,14, et 16. Les cachets des dessins portent ces adresses successives qui sont, avec le changement du nom du cours Saint-Jean rebaptisé, en 1919, cours de la Marne, une première indication pour les dater. En 1889, un jugement du tribunal d’instance de Bordeaux autorisa Gustave Pierre à modifier l’orthographe de son nom et à remplacer le d final par un t pour s’appeler désormais Dagrant (A.M.Bx 1 E 346 n°1043 bis) mais l’ancienne orthographe sera encore fréquemment utilisée. Gustave Pierre travailla avec ses trois fils qui prirent sa suite, Maurice (1870-1959), Charles (1876-1939) et Victor (1876-1939) ainsi qu’avec son beau-frère, Jean Georges Chauliac, et son gendre Albert Borel, époux de sa fille Marthe Marie. Après sa mort, en 1915, le cachet G. P. Dagrant sera utilisé par ses successeurs.
A la fin du XIXe siècle, l’entreprise était à son apogée et Gustave Pierre siégeait dans plusieurs Sociétés Savantes ainsi qu’au conseil municipal. La maison Dagrant étendait son marché bien au-delà des frontières de la France. Il travailla beaucoup en Italie. En 1883, le Pape Léon XIII lui décerna la croix de Saint-Sylvestre et en 1888 Gustave Pierre fut nommé peintre-verrier de la basilique Saint-Pierre de Rome et l’un des dessins offerts au musée d’Aquitaine (Inv. 2012.1.19), projet pour un vitrail de la chapelle Saint-Nicolas de la basilique, est un témoin de cette production. Ses vitraux eurent du succès jusqu’en Amérique du Sud où, associé au peintre bordelais François-Maurice Roganeau qui, pendant ses études aux Beaux-Arts, avait été dessinateur dans l’atelier du verrier, il réalisa vers 1900, les vitraux de la basilique de Lujan (Argentine) et vers 1915 les plafonds en verrières de la Chambre des Représentants du Sénat de Bogota (Colombie). Un autre dessin (Inv. 2012.1.9), daté de 1903 et représentant un saint dominicain, était destiné à l’église San-Rafael de Heredia au Costa Rica.
Mais au XXe siècle, la loi de Séparation des Eglises et de l’Etat puis la Première Guerre Mondiale arrêtèrent le développement de l’entreprise dont la situation se dégrada encore avec la crise économique de 1930 puis la Seconde Guerre Mondiale jusqu’à sa disparition définitive en 1972.
Cet ensemble de dessins préparatoires illustre bien les différents domaines de production de la maison Dagrant qui créa des vitraux religieux, ornementaux ou historiés, ainsi que des vitraux civils. Il permet aussi de voir les différents stades d’élaboration des projets entre le premier jet qui fixe les grandes lignes et la maquette, où le dessin définitif est représenté à l’échelle au 1/10ème, avant la réalisation du carton final à l’échelle réelle. Ce lot de dessins complète le fonds important que possède déjà le musée d’Aquitaine.
VITRAUX RELIGIEUX
Les cartons n’étaient pas des modèles uniques et resservaient plusieurs fois avec des variantes de format, de couleur ou une inversion des motifs. Un très grand nombre de verrières de Dagrant présente des bordures construites selon le même schéma avec une frise ornementale entre deux filets de perles. Le type de décor permet de classer les dessins dans différentes catégories.
- Verrière géométrique.
Vitrerie à losange.
H. 16,4 cm. L. 6,8 cm.
Inv. 2012.1.20
La simple composition de pièces de verre blanc en forme de losanges avec un décor de croix à l’intersection des plombs est entourée d’une bordure avec alternance de cabochons rouges et de fleurettes jaunes, couleur reprise par les filets de perles.
- Verrière ornementale.
Les verrières non figuratives offrent des assemblages répétitifs de motifs géométriques, floraux ou végétaux disposés de façon symétrique.
Baie en plein cintre.
H. 21,4 cm. L. 11 cm.
Inv. 2012.1.22
L’axe de la composition est bien marqué par les rosettes placées à la fois à l’intersection des cercles jaunes et au centre des rectangles rouges disposés sur la pointe. Toute la surface du verre est recouverte de fleurons peints en grisaille et disposés de façon symétrique.
Lancette
Après 1919.
H. 29 cm. L. 8,8 cm.
Cachet rectangulaire au verso :
VITRAUX D’ART
G. P. DAGRANT
7, Cours de la Marne
BORDEAUX
Inv. 2012.1.24
La composition est rythmée par les rosettes placées au centre des cercles jaunes et à l’intersection des carrés verts à cabochon central vert. Les motifs végétaux souples se déploient sur un motif de quadrillage, appelé « cage à mouches » qui recouvre toute la surface.
Baie en ogive.
Après 1919.
H. 26,2 cm. L. 12,8 cm.
Cachet rectangulaire au verso :
VITRAUX D’ART
G. P. DAGRANT
7, Cours de la Marne
BORDEAUX
Inv. 2012.1.26
La bordure reprend le modèle de la baie précédente (Inv. 2012.1.24) mais en variant les couleurs, les motifs rouges alternent avec des feuilles et des motifs à trois points entre les filets de perles. La baie reçoit un motif toujours centré sur le fond quadrillé mais la ligne ondulante jaune et les motifs végétaux traités avec souplesse donnent plus de légèreté à la composition.
Lancette en plein cintre.
H. 33,8 cm. L. 13cm.
Inv. 2012.1.27
La bordure à filets de perles et motifs végétaux entoure une composition à motifs quadrilobés de feuillage sur un fond de hachures entrecroisées en grisaille.
Baie en plein cintre.
H. 19,1 cm. L. 10,2 cm.
Inv. 2012.1.21
La baie est recouverte de cercles à bord de perles et décor floral imbriqués avec des fleurons dessinant des carrés sur le fond quadrillé. La bordure reprend le modèle utilisé sur la vitrerie à losange (Inv. 2012.1.20) et seule la couleur des cabochons change.
Baie en plein cintre.
H. 19,5 cm. L. 14,3 cm.
Cachet rectangulaire au recto, en haut, à droite :
VITRAUX
G.P. DAGRANT
REPRODUCTION
INTERDITE
Indication manuscrite, au-dessus du dessin ?
Inv. 2012.1.23
La bordure est réduite à des filets jaune et vert et la composition, plus simple, joue sur les cercles.
Lancette en ogive.
H. 32,5 cm. L. 6,4 cm.
Inv. 2012.1.25
La bordure, dont les éléments végétaux ne sont détaillés que dans la partie inférieure, entoure la surface du vitrail constituée d’une association de cabochons de formes irrégulières déclinant plusieurs nuances de bleu. Jean-Auguste Brutails, en 1892, dans une note sur l’église Saint-Jacques de Reims (A.D. 90 J 29/6) commentait un vitrail de Maréchal en employant le terme “ bleu Dagrand ” ce qui semble indiquer que le verrier avait créé un bleu particulier bien reconnaissable.
lOculus trilobé.
H. 9 cm. L. 9,5 cm.
Inscriptions au crayon :
à gauche : saint félix
à droite : DFM ou FM
Inv. 2012.1.30
Elément de réseau d’une baie, à motif floral.
Oculus polylobé.
Diam. 17,7 cm.
Inv. 2012.1.33
Dans le large trait gris du remplage, la composition s’ordonne autour d’une étoile formée de deux triangles imbriqués. Le décor de quadrillage et de feuillage en grisaille est rehaussé de bleu, rouge et jaune. Entre les lobes s’intercalent des jours en triangle, bleus à motif floral rouge.
Rosace.
Diam. 39,9 cm.
Inv. 2012.1.34
Le large trait noir représente le remplage en pierre de l’édifice où est aménagée la rosace. La rose s’organisa autour de l’oculus décoré d’une croix d’où rayonnent, au nombre de huit, des mouchettes cernées de bleu, des soufflets bordés d’un filet rouge et des écoinçons à filet jaune, tous recouverts de grisailles à motifs de feuilles sur un fond quadrillé et rehaussés d’un point coloré.
- Verrière figurée.
Verrière figurée à grands personnages.
Lancettes : saint Michel Archange
et sainte Thérèse d’Avila (1515-1582).
H. 29,8 cm. L. 21,5 cm.
Inv. 2012.1.15
Seul le motif principal a été représenté avec l’indication du cadre et des barlotières. Les personnages sont debout, sur un sol carrelé, dans une niche dont les fenêtres à décor polylobé, s’ouvrent dans la partie supérieure. A gauche, l’archange Saint Michel, une étoile brillant sur son front. Guerrier céleste, vêtu d’une cuirasse et tenant un glaive, il a terrassé le dragon, affirmant le triomphe du Bien sur le Mal. Ce modèle a servi pour un vitrail de l’église de Brannes (Gironde) mais saint Michel y est représenté avec une auréole de perles, des ailes blanches et un manteau rouge, illustrant bien la réutilisation des modèles proposés dans les catalogues des verriers. A droite, sainte Thérèse d’Avila, mystique et réformatrice de l’ordre des Carmélites déchaussées, est revêtue de la robe de bure sous le manteau de laine blanche et coiffée du voile noir. Elle tient un livre et une plume car elle a laissé une abondante œuvre littéraire dont une autobiographie, le Livre de la Vie où elle relate ses expériences spirituelles ainsi que des ouvrages mystiques (Paul VI la proclame Docteur de l’Eglise en 1970).
Baie à double lancette : saint
Grégoire de Tours (vers 538-594) et saint Seine (mort en 580).
Dessin aquarellé
H. 64,5 cm. L. 30 cm.
Inscriptions au crayon : sous la lancette de gauche : Christ et sous celle de droite : Vierge.
Inv. 2012.1.17
Sous un oculus orné d’un bouquet de lys et flanqué d’écoinçons décorés d’une étoile, deux édicules à l’architecture renaissance, accueillent les saints disposés au-dessus de petites niches abritant des anges musiciens. A gauche, saint Grégoire de Tours, identifié par l’inscription SS GREGORIUS EPS +, est revêtu des ornements épiscopaux. Il porte une mitre orfévrée et ses vêtements sont richement brodés. De ses mains gantées, il présente un petit édicule circulaire aux fines colonnettes abritant un tombeau, certainement celui de saint Martin car saint Grégoire fut guéri à plusieurs reprise grâce à sa dévotion à saint Martin et ses prières à son tombeau ; il lui consacra quatre des sept Livres des Miracles. A droite, saint Seine abbé, au-dessus de l’inscription SS SEQUANUS ABBAS. Ce moine s’installa en Bourgogne, ermite sur des terres qui appartenaient à sa famille mais des disciples le rejoignirent et il fonda un monastère qui prit son nom, Saint-Seine-l’Abbaye. Il porte une coule blanche et tient la crosse abbatiale.
Lancette : Archange Raphaël.
H. 16,4 cm. L. 6,8 cm.
Cachets rectangulaires au recto :
En haut, à droite :
VITRAUX
G.P. DAGRANT
REPRODUCTION
INTERDITE
En haut à gauche :
CROQUIS
A RETOURNER
Au verso :
ETS G P. DAGRANT
VITRAUX D’EGLISES & D’APPARTEMENT
12, RUE TIFFONET,12
BORDEAUX
TELEPHONE N° 92028
Au milieu, inscription manuscrite à l’encre violette :
Personnage avec Encadrement Mosaïque
Inv. 2012.1.5
L’archange tient un bâton de pèlerin et un poisson portant le chrisme. Il est vêtu de blanc et d’une courte cape rouge, couleur reprise dans les ailes et le nimbe et il se tient debout au milieu des ronces. Le poisson est celui que pêche le jeune Tobie sur le conseil de Raphaël qui l’accompagnait lors de son voyage en Médie et dont le fiel servira à guérir son père, le vieux Tobie. Raphaël, dont le nom signifie « Dieu guérit » est à la fois un ange guérisseur et un ange gardien.
Verrière du Sacré-Cœur.
Baie en ogive.
Entre 1889 et 1919.
H. 29 cm. L. 22,5 cm.
Papier calque, encre
Cachet circulaire, en haut, à gauche :
Vitraux d’Art
Atelier rue Tiffonet
12 14 16
G.P. DAGRANT
7 Cours St-Jean
BORDEAUX
Cachet rectangulaire, en haut, à droite :
VITRAUX
G.P. DAGRANT
REPRODUCTION
INTERDITE
Inv. 2012.1.12
La bordure présente une frise d’angelots dans sa partie supérieure. Au-dessous, de part et d’autre de l’écu destiné à recevoir le nom du donateur, se déploient des rinceaux de feuillage. De chaque côté, deux bouquets se répondent et se complètent, les fleurs de lys de saint Joseph font écho au bouquet de roses de la Vierge. La scène est divisée en deux registres. Entre la Vierge et saint Pierre, le Christ ouvre largement les bras et présente son Cœur embrasé d’amour à saint Jean et Marie-Madeleine agenouillés. Il tend le pain consacré d’où jaillissent des rayons et, à ses pieds, jaillit du rocher une source, symbole de vie, qui tombe en cascade sur le monde terrestre. Au premier plan, deux enfants sont à genoux. La petite fille porte une longue robe blanche et un voile et le garçon un costume marin avec un col carré au dos et culotte courte. Ces communiants s’apprêtent à recevoir pour la première fois le corps du Christ à côté d’un jeune homme vêtu de haillons, peut-être l’image de l’enfant prodigue qui implore le pardon de ses fautes. Au-dessus de la scène, un phylactère porte l’inscription Accipite ex omnes, Prenez-en tous, tirée du Canon de la messe : Accipite et manducate ex hoc omnes. Le Christ qui a aimé les hommes au point de se sacrifier pour racheter leurs péchés, les invite à l’Eucharistie.
Verrière mariale.
Baie à deux lancettes, consacrée à la Vierge.
Dessin à la plume, gouache.
H. 47,4 cm. L. 24,5 cm.
Inscription manuscrite au crayon, en bas, à droite : 6.20 et, en dessous : 24
Inv. 2012.1.16
Ce dessin, rapidement esquissé est rehaussé d’aplats de couleur qui donnent la tonalité générale. Entre deux écoinçons à fond rouge, l’oculus cerclé de bleu est décoré d’une Sainte Trinité selon une composition identique à celle du vitrail du martyre de saint Etienne (Inv. 2012.1.18). Les deux lancettes sont consacrées à la Vierge. A gauche, sous la coupole d’un dais architecturé gothique, entourée d’angelots, la Vierge tient l’Enfant debout sur ses genoux. A ses pieds des moines tonsurés, vêtus d’un large manteau blanc frappé d’une croix rouge, l’implorent. Ils sont agenouillés au-dessus d’un mur crénelé et pourraient appartenir à un ordre militaire hospitalier. A droite, sur les nuages, la Vierge couronnée tient Jésus également couronné, qui ouvre largement les bras et tend un scapulaire. A leurs pieds des êtres dénudés, torturés par les flammes de l’enfer, les implorent. Cette scène rappelle la promesse que la Vierge fit à saint Simon Stock lorsqu’elle lui apparut le 16 juillet 1251 : « Quiconque meurt revêtu de ce scapulaire, ne souffrira pas le feu de l’enfer ». La Vierge offre sa puissante protection pour sauver les hommes de la damnation et leur offrir le salut éternel.
Verrière hagiographique.
Lancette cintrée à deux médaillons : scènes de la vie de
Joseph.
H. 29,4 cm. L. 11,8 cm.
Inv. 2012.1.8
Joseph, portant son tablier de cuir et une hache de menuisier initie le jeune Jésus au travail du bois. Marie, une quenouille à la main, file la laine mais suspend son geste pour regarder son fils frapper le ciseau avec un lourd maillet de bois. La scène s’ouvre sur un paysage montagneux, rapidement esquissé. En dessous, l’inscription : Puer autem crescebat tirée de l’Evangile de saint Luc, II, 40 « Cependant l’enfant croissait (et se fortifiait, étant rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était en lui) ». Cette représentation intimiste de l’apprentissage manuel de Jésus sous le regard attentif et attendri de ses parents, met en valeur le rôle éducateur de Joseph, père idéal de la Sainte Famille et rappelle les paroles de Matthieu 13, 55 « N’est-ce pas le fils du charpentier ? » ou de Marc 6,3 « N’est-ce pas le charpentier, le fils de Marie ? ». Une rosette relie ce médaillon à celui de la mort de Joseph. A l’intérieur d’une pièce, sous la fenêtre en partie voilée par un rideau rouge, Joseph est allongé sur une banquette avec le bâton fleuri, symbole de son mariage virginal. Marie tient sa main contre elle, avec douceur comme Jésus qui, penché vers lui, montre le ciel. L’inscription : Beati qui morti in domino morientur est extraite de l’Apocalypse, XIV,13 : « (Puis j'entendis une voix me dire, du ciel: "Ecris:) Heureux les morts qui meurent dans le Seigneur (; dès maintenant - oui, dit l'Esprit - qu'ils se reposent de leurs fatigues, car leurs œuvres les accompagnent.") » Ces scènes familiales, empreintes de sentimentalisme, qui n’apparaissent pas dans les Ecritures, illustrent la place grandissante des représentations de Joseph qui fut proclamé patron de l’Église Universelle par Pie IX, en 1870.