René Buthaud (Saintes 1886-Bordeaux 1986- 99 ans)

 

 Statuette africaine

photo : Lysiane Gauthier mairie de Bordeaux

Technique : faïence stannifère polychrome

 

Format : h : 50 cm (hors socle)

 

Signature sur la base : monogramme RB

 

Provenance : Vente Me Courau à Bordeaux  le 2 octobre 2019.

 

Collection bordelaise, statue acquise directement auprès de l’artiste par la famille du vendeur [1]  

 

Don des amis du musée d’Aquitaine en 2019.

 

N° inventaire : 2019.11.1

 

Né à Saintes en 1886 René Buthaud se fixe à Bordeaux dès son plus jeune âge où il est d’abord élève de Paul Quinsac.  Apprenti dans un atelier de « gravure en vaisselle » chez Emeric, il suit les cours de l’atelier de décoration dispensés par Pierre Gustave Artus et Jean Gustave Lauriol, peintres décorateurs du Grand Théâtre.

 

Il termine sa formation en 1913 à l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris dans la classe de Gabriel Ferrier, où il étudie la peinture et la gravure en taille-douce. Il obtient second prix de Rome de gravure en taille douce en 1914. A Paris, il réalise des gravures à l’aquatinte avec Jean-Gabriel Domergue.

 

Démobilisé en 1918 pour des raisons de santé, il commence alors sa carrière de céramiste après en avoir appris les rudiments chez un potier durant la guerre.

 

Dès 1920 il expose chaque année au Salon des Artistes Décorateurs et au Salon d’automne.

 

En 1921  René Buthaud devient lauréat du prix Florence Blumental. Il est le premier artiste à recevoir cette récompense après l’écrivain Jacques Rivière (1919) et le compositeur Georges Migot (1920). Ce prix Blumenthal est un prix qui sera décerné de 1919 à 1954 à des peintres, sculpteurs, décorateurs, graveurs, écrivains et musiciens par la fondation franco-américaine Florence Blumenthal : une organisation philanthropique créée par Florence Meyer Blumenthal et son époux Georges Blumenthal  qui a pour objectif de promouvoir outre-Atlantique de jeunes artistes français.

 

L’obtention de ce prix (doté d’une bourse) lui permet de faire un stage à la maison L’Hospier à Golfe-Juan, où il perfectionne sa connaissance des émaux.

 

 Entre 1923 et 1926, René Buthaud est nommé conseiller technique de l’usine de céramique Primavera, qui avait été fondée par René Guilleré à Sainte-Radegonde, près de Tours. Primavera est un atelier d’art moderne dépendant des Grands Magasins du Printemps, créé en 1913 par René Guilleré, lui-même fondateur de la Société des Artistes Décorateurs. 

 

A l’Exposition internationale des arts décoratifs de Paris en 1925, Buthaud est membre du jury.

 

De 1928 à 1964, il présente ses céramiques à la Maison Rouard à Paris et prend part icipe régulièrement aux expositions d’art décoratif en France et à l’étranger

 

En 1928, il confie l’exclusivité de la vente de son œuvre à Géo Rouard, qui détenait une galerie d’art décoratif avenue de l’Opéra à Paris.  Afin de commercialiser ses céramiques aux États-Unis tout en respectant le contrat d’exclusivité avec la Galerie Rouard, Buthaud distribue à partir de 1934 ses créations sous le nom de « J. Doris ».

 

La ville de Bordeaux lui confie plusieurs commandes officielles : en 1937, il réalise les vases en mosaïque pour le palais des sports. Comme Dupas, Roganeau ou Janniot,  Buthaud recevra un soutien appuyé d’Adrien Marquet et exprimera l’importance de sa rencontre avec le maire de Bordeaux dans l’évolution de sa carrière.

 

Au début des années cinquante, il refait en faïence le grand cadran de l’horloge du palais de la Bourse, puis conçoit en 1951 deux vitraux pour la Maison du Vin (dont les cartons sont actuellement sur le marché de l’art.)

 



[1] Information provenant de l’experte France Cruège de Forceville qui a vu la statue le 26 novembre avant son nettoyage chez la restauratrice Isabelle Ducassou 

 

 

René Buthaud est nommé, en 1931, professeur des arts décoratifs à l’école des beaux-arts de Bordeaux, au sein de laquelle il crée un atelier de céramique en 1955.

 

De part sa formation de peintre et de graveur, Buthaud oriente ses recherches sur le dessin ainsi que sur l’émail craquelé. Il se dirige très tôt vers le décor historié peint, et y consacre la femme et sa sensualité : un sujet de prédilection qu’il développe  à travers une multitude de thèmes, de poses et de graphismes.

 

L’artiste puise ses sources d’inspiration avant tout de la tradition : de l’Antiquité grecque et romaine qui lui fournit ses sujets mythologiques avec Vénus, Bacchus, Léda, Europe, les Trois Grâces, les sirènes… ou les techniques de décor des céramiques grecques archaïques. Les gravures populaires sur bois, la faïence italienne de la Renaissance, les poteries populaires sont des influences qu’il revendique pleinement. Par ailleurs, artiste de son temps, il fréquente et s’imprègne de ses contemporains tels les peintres Bissière, Domergue, Derain ou Vlaminick ; mais aussi du cubisme, des Ballets russes, de l’exotisme, de l’art Nègre dont il était grand collectionneur, de l’art d’Orient avec la céramique musulmane ou persane, et des revues contemporaines comme L’Illustration.

 

Buthaud et le sujet africain

 

La figure de la femme noire apparait très tôt dans l’œuvre de Buthaud , dès 1920-22, sur la panse de certains vases. Cependant la passion du céramiste pour les arts premiers et en particulier d'Afrique noire ne devient manifeste qu’à la fin des années 1920 début des années 1930, marquée entre autres par  sa participation en 1931 à l’Exposition coloniale internationale de Paris.

 

Quelques années avant sa mort, Buthaud témoigne de son intérêt très précoce pour ce qu'il appelle les arts primitifs : "Mon intérêt pour les arts primitifs date d'avant la guerre de quatorze. A Paris, il y avait une boutique, rue de Rennes. En me rendant de chez moi à l'Ecole des Beaux-Arts, je faisais un détour pour aller voir ce qu'il y avait dans la vitrine. [...] Un jour, pendant la guerre, j'ai vu des masques à une foire qui se tenait sur les Quinconces. J'en ai acheté deux ou trois, c'était le commencement. [...] je n'ai jamais pensé que cet art était un art mineur, un art sauvage, que c'était maladroit. Je trouvais même que les types qui faisaient ça étaient très calés, qu'ils connaissaient leur métier. Il y avait une recherche dans leurs œuvres, ce n'était pas venu de but en blanc..."[1].

 

René Buthaud et les statuettes :

 

C’est à partir des années 1937, que René Buthaud réalise de charmantes statuettes en faïence stannifère dont les thèmes sont inspirés plus généralement par la mythologie marine : sirènes, tritons, néréides.

 

Dans son article parut en 1936 dans « Art et décoration : revue mensuelle d'art moderne » , Henri Menjaud évoque les 9 pièces exposées chez Rouard qui  « témoignent de ce désir louable de renouvellement, hors d’une technique déjà éprouvée où le succès aurait pu le confirmer. On connait ses œuvres anciennes, vases et coupes de grand feu décorés de visages féminins. Aujourd’hui, c’est un aspect entièrement différent de son talent qu’il nous offre avec des figurines de pate bleutée, rehaussées d’émaux brillants aux couleurs vives. »

Il complète son article en mentionnant : « Buthaud utilise la terre de Bordeaux qu’il traite à la manière des terres de Lorraine, retrouvant les effets très heureux de cette technique. Il façonne sa pate en boudins roulés, à la manière de certaines faïences du XVIIIe siècle, qui prêtent ainsi à ses statuettes une grâce et un abandon fort agréable.[…] Dans ses sujets, on retrouve le goût dont témoignait l’artiste dans ses premiers décors pour les silhouettes féminines allongées. Ce sont tantôt des corps étendus…tantôt des groupes de jeunes filles aux atours printaniers. Il s’y mêle parfois des animaux…

Tout cela est fort plaisant. Les coloris sont vifs et l’ensemble donner une immense impression de fraicheur et de clarté, rappelant les charmantes faïences écossaises du XIXe siècle… »

 

De cet ensemble de statuettes,  rares sont celles dont le sujet est celui de la femme africaine.

 

La statuette africaine récemment acquise pour le musée d’Aquitaine peut être rapprochée d’une autre statuette intitulée « Beauté africaine[2]» conservée dans les collections du MADD de Bordeaux.



[1] Entretien avec Jacques Sargos, 1985

[2] Nous remercions Etienne Tornier, conservateur au MADD,  pour sa précieuse analyse.

 Numéro d'inventaire : 2012.4.1

Beauté africaine, h : 62 cm, MADD de Bordeaux.

 

 

 

A la différence de la coiffe, la statuette du MADD se rapproche de celle du musée d’Aquitaine, dans l’attitude générale et  principalement dans la présence du  perroquet porté haut sur le bras gauche.

 

Datation de la statue : En raison de la parution en 1936 de l’article[1]  dans lequel sont mentionnées l’exposition des statuettes de Buthaud exposée chez Rouard , nous débutons ce type de production au milieu des années 1930. Buthaud poursuivra la réalisation de ses statuettes jusque dans  les années 1960.

 

Description :

 

Debout, dans un contrapposto bien marqué, la jeune africaine lève son bras gauche sur lequel repose un cacatoès blanc au bec jaune, en le regardant de ses étincelants yeux verts. Elle est coiffée d’une couronne formée de feuillages, pétales de fleurs ou plumes ( ?) et baies rouges, à la manière d’un diadème, qui pourrait être rapproché d’un dessin vendu chez Artcurial le 15 octobre 2019[2], ou d’autres modèles en céramique de la même époque.

 



[1] Henri Menjaud « Art et décoration : revue mensuelle d'art moderne » , 1936.

[2] Lot n° 71.

René BUTHAUD (1886-1986) : Portrait de jeune femme - Circa 1930-1950. Aquarelle et gouache sur papier. Monogrammé "R.B" 15,5 x 11,5 cm

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Déesse au faon, 44cm, Biarritz antiques 

René BUTHAUD (1886-1986) Vase à corps ovoïde en faïence émaillée verte et or sur fond brun, décor de danseuses javanaises dans des décors architecturés. Signature manuscrite « J. Doris » (pseudonyme de René Buthaud).

 

 

 

De sa main gauche elle retient une longue étole jaune qui s’enroule le long de son dos jusque sur  sa jambe droite, accentuant la ligne serpentine de la figure.

 

 Son corps nu est paré de bijoux inspirés des parures africaines ou orientales (voir le vase à décor de danseuses javanaise) : un torque à pendentifs autour du cou, des bracelets de bras, de poignet et de cheville et une ceinture en forme de cordelette. Son torse nu est également paré d’un motif décoratif floral stylisé. Toutes ces parures sont d’une même couleur rosée.

 

La figure repose sur une base ornée de végétaux exotiques qui remontent en feuillage au dos de ses jambes, servant de maintient à la statuette.

 

 

René Buthaud dans son atelier de la rue Cantemerle à Bordeaux.

 

Technique employée par Buthaud  pour la mise en œuvre de la statue[1] :

 

René Buthaud travaillait par modelage, selon la technique du colombin. Chaque pièce est donc unique, et ne peut être reproduite à l’identique.

 

Le matériau employé pour la Statue africaine est une terre rouge locale. Dans ses entretiens Buthaud raconte : « La terre de mes statuettes était une argile rouge, moins réfractaire que celle de Canéjan, et plus facile à manier. C’était une argile très ordinaire, que je me procurais pas loin de Bordeaux »

 

La terre, après un séchage lent, subit une première cuisson dite de dégourdi. La pièce, appelée aussi biscuit à cette étape de la fabrication, a alors perdu environ 10% de son volume initial. Elle est ensuite plongée dans un bain d’émail à base d’étain, appelé émail stannifère,  dont la consistance est proche de celle du lait. Les porosités du biscuit absorbent l’émail dont il ne reste qu’un dépôt poudreux blanchâtre en surface. L’œuvre est alors très fragile à la manipulation.

 

Le décor est sans doute effectué dans la tradition italienne des majoliques, selon la technique dite « de grand feu » : des oxydes sont appliqués directement sur l’émail cru, sans espoir de repentir. On retrouve sur la statuette de R. Buthaud, la palette de couleurs caractéristiques : le vert (oxyde de cuivre), le bleu ici très léger (oxyde de cobalt), le jaune (oxyde d’antimoine) et le marron (oxyde de manganèse). Seul le rouge (oxyde de fer) est absent, souvent peu utilisé en raison de son instabilité à la cuisson. Les effets rosés du décor sont obtenus par transparence de la terre ocre rouge à travers l’émail blanc posé là en couches très fines.

 

Le monogramme RB entrelacé est apposé au cours de cette étape de fabrication.

 

La sculpture est alors prête à subir sa cuisson définitive à 800/1000° .

 

Ce n’est qu’à la sortie du four que la brillance et les couleurs définitives sont révélées.

 

La statuette africaine, une pièce rare dans la production de statuettes  de Buthaud par son iconographie, qui complétera, dans les salles XXe, les dessins du  céramiste déjà exposés.

 

Bibliographie :

 

Pierre LAHALLE, Les œuvres de céramique de René Buthaud. in Mobilier et décoration : Revue française des arts décoratifs appliqués. 1927 p. 207 et suivantes.

  

Pierre CRUEGE et  A. LAJOIX, A, René Buthaud (1886-1986), - Edition de l'Amateur, 1996

 

Jacqueline du PASQUIER et Jacques SARGOS : René Buthaud, Edition Horizon Chimérique, 1987

 

J. du PASQUIER, Céramiques de René Buthaud,  Musée des arts décoratifs, 1976.

 

 

 



[1] Nous remercions Isabelle Ducassou, restauratrice de céramique, pour les informations concernant la technique employée par l’artiste.